Compagnie d’assurance de droit anglais CGICE c/ AJACCIO ALTORE et 36 autres défendeurs RG J2023000536 – ordonnance de référé du 29 février 2024
Mots-clés :
COMPETENCE / Clause attributive - Référé – Compétence d’attribution
MESURES D’INSTRUCTION / En référé
Sommaire :
Clause attributive de compétence en référé – Compétence du tribunal de commerce vis-à-vis d’une société d’assurance à forme mutuelle – Motif légitime pour la mise en œuvre de l’article 145 CPC
AJACCIO ALTORE est une société de promotion immobilière qui construit à Ajaccio un ensemble immobilier à usage d’habitation, opération soumise au régime de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et a souscrit auprès de la compagnie d’assurance CGICE une garantie financière d’achèvement conformément aux exigences légales. La plupart des appartements et villas ont été vendus à différents acquéreurs.
En cours de chantier, les travaux ont été interrompus par la Direction régionale de l’environnement, en raison de la nécessité d’un permis de construire modificatif. De ce fait, CGICE craint des difficultés résultant du retard du chantier et de certaines modifications nécessaires.
C’est pour y voir clair que CGICE assigne AJACCIO ALTORE, les acquéreurs en VEFA, les entreprises intervenant sur le chantier ainsi que leurs assureurs, au total 37 défendeurs. Elle demande de nommer un expert judiciaire pour constater l’état d’avancement des ouvrages, examiner les désordres, malfaçons, non-conformités, dire les travaux nécessaires à la remise en ordre, fournir tous éléments permettant d’apprécier les préjudices subis par les demandeurs avec évaluation chiffrée, constater les éventuels appels de fonds anticipés, fixer la provision à consigner…
In limine litis, AJACCIO ALTORE décline la compétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire de Paris, en raison de la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de garantie financière d’achèvement. Le juge relève cependant que la clause attributive de juridiction est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés et rejette l’exception.
De son côté, la SMABTP, société d’assurance mutuelle, à objet non commercial, invoque la même incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire de Paris puisqu’elle n’est pas commerçante. Pour le juge, la presque totalité des défendeurs ont un objet commercial et au stade du référé expertise, alors qu’aucune demande de condamnation n’est formée contre SMABTP, il relève d’une bonne administration de la justice que SMABTP soit attraite aux côtés de tous les autres défendeurs.
Sur la demande d’expertise, le juge rappelle que le demandeur doit justifier d’un motif légitime « ce qui suppose que ses prétentions soient fondées sur des faits précis, objectifs et vérifiables permettant de présumer les manquements qu’il impute à la personne visée par la mesure ».
Or, en l’espèce, CGICE ne fournit pas de liste des désordres, malfaçons et non-conformités allégués. CGICE formule, en réalité, des demandes assez générales, sans jamais justifier d’un motif légitime qu’elle aurait à engager un procès futur.
En conclusion, le juge rejette la demande d’expertise.