LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

HOTEL LE BRISTOL c/ SARL CATAWIKI SERVICES FR et société de droit néerlandais CATAWIKI B.V. RG 2024 041 134 – jugement du 22 mai 2025 (chambre 1-8)

Mots-clés :
LOI APPLICABLE / Responsabilité délictuelle,
IRRECEVABILITE / Défaut d’intérêt ou de qualité à agir
RESPONSABILITE (HORS CONSTRUCTION) / Responsabilité délictuelle pour manquement contractuel

Points de droit :

Hôtel-restaurant de prestige, vol de bouteilles de grand cru, revente des bouteilles sur une plateforme d’enchères en ligne, identification puis condamnation des voleurs à rembourser, voleurs insolvables, condamnation de la plateforme.

 

 

La société CATAWIKI SERVICES FR est la filiale française de CATAWIKI BV (ci-après, les deux ensemble, « CATAWIKI ») qui exploite une plateforme d’enchères en ligne d’objets de valeur. La société HOTEL LE BRISTOL (ci-après « le BRISTOL ») exploite un palace et des restaurants étoilés ; il dispose d’une cave prestigieuse.

En septembre 2023 le BRISTOL constate la disparition de plusieurs bouteilles de grands crus, dépose plainte pour le vol de 12 bouteilles, apprend que l’une d’elles -identifiables par un numéro de série unique- a été mise en vente sur le site de CATAWIKI. Les coupables sont identifiés ; au total 10 bouteilles ont été vendues. Les coupables sont condamnés en correctionnelle.

Le BRISTOL met en demeure CATAWIKI d’annuler la vente de ces 10 bouteilles et de les récupérer. CATAWIKI dit que sa responsabilité ne peut être engagée. Le BRISTOL l’assigne devant le tribunal de commerce de Paris.

Sur le droit applicable : l’action porte sur une responsabilité délictuelle, aucune obligation contractuelle n’est en jeu. La loi applicable est celle du pays où le dommage survient, la France en l’espèce, lieu d’activité du BRISTOL : la loi française s’applique.

Sur la recevabilité, CATAWIKI SERVICES FR dit le BRISTOL irrecevable car elle n’est pas exploitante du site internet, seule CATAWIKI BV ayant cette qualité ; en outre, le BRISTOL a perdu tout intérêt à agir : le tribunal correctionnel de Paris ayant condamné les voleurs à payer la somme totale, la victime ne peut être indemnisée deux fois.

  • Le tribunal constate que le site internet, plateforme d’enchères en ligne, est effectivement exploité par CATAWIKI BV, que les demandes du BRISTOL dans son dispositif ne visent que la « société CATAWIKI », sans mention de raison sociale, sans aucune demande à l’encontre de CATAWIKI SERVICES FR, ni demande de condamnation solidaire des deux sociétés.

En conséquence, le tribunal dit irrecevable l’action du BRISTOL contre CATAWIKI SERVICES FR.

  • Le tribunal retient qu’au pénal les voleurs ont été condamnés en novembre 2024 à indemniser le BRISTOL, mais que les recherches ont été vaines et le dossier qualifié d’irrécouvrable par le commissaire de justice, que le risque de double indemnisation n’est donc pas démontré, qu’en outre il est fait état de préjudices commercial et d’image ; le BRISTOL démontre ainsi son intérêt à agir : son action est recevable.

Au fond

  • LE BRISTOL demande l’annulation des ventes, entre août et novembre 2023, de 10 bouteilles, mais il en liste 11, et il a racheté certaines bouteilles une fois les acheteurs retrouvés ; d’autres bouteilles ont disparu ; le BRISTOL ne développant aucun argument pour justifier ses prétentions, le tribunal déboute le BRISTOL.
  • Le BRISTOL demande, pour son indemnisation, l’application des règles afférentes aux enchères publiques, en l’espèce l’article L. 321-5 C. com., mais le tribunal relève que CATAWIKI BV n’agit pas en tant que mandataire du propriétaire du bien et n’est donc pas un opérateur de ventes volontaires au sens de l’article L. 321-1 et ss C. com. Le tribunal applique, en revanche, l‘article 1240 du code civil et, singulièrement, la responsabilité délictuelle vis-à-vis d’un tiers au contrat pour manquement contractuel. En effet, les contrats conclus entre CATAWIKI et ses clients montrent que CATAWIKI BV n’est pas un simple intermédiaire, mais joue un rôle actif à toutes les étapes de la vente, « s’engage ainsi à vérifier la provenance des objets mis en ligne afin de garantir leur légitimité et d’éviter la mise en vente d’objets volés », offrant aussi une assistance après la vente. Ces obligations n’ont manifestement pas été respectées en l’espèce.
  • Le tribunal rappelle en outre que les démarches du BRISTOL pour se faire payer les sommes dues par les voleurs au titre du jugement du tribunal correctionnel de Paris de novembre 2024 n’ont pas abouti et ceux-ci sont insolvables : le risque de double indemnisation est écarté.

En conséquence, le tribunal condamne CATAWIKI BV à verser au BRISTOL plus de 47 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi. Mais il déboute le BRISTOL de ses demandes de réparation des préjudices commercial et d’image, faute de preuve suffisante.

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