ITM AI c/ L’OREAL RG 2023 029 243 - jugement du 30 mai 2025 - chambre 1-6 mixte
Mots-clés :
CONCURRENCE / Pratiques anticoncurrentielles – Préjudice (évaluation)
Points de droit :
Pratiques anticoncurrentielles – Préjudice.
L’Oréal a été sanctionnée par une Décision de l’Autorité de la concurrence, confirmée par la cour d’appel de Paris le 27 octobre 2016, pour avoir participé à des pratiques constitutives d’une entente consistant en des échanges d’information sur le déroulement des négociations des marges sur les produits d’hygiène en 2004 et 2005.
ITM AI, la centrale d’achat du réseau Intermarché aux droits des trois entités du groupe alors concernées, demande réparation du préjudice allégué, sur la seule année 2004, causé par l’augmentation artificielle des prix d’achat. Le rapport d’expertise établi à la demande d’ITM AI l’évalue selon un scénario contrefactuel consistant à examiner l’évolution des marges, en comparant celles dégagées par ITM AI sur les achats/ventes des produits d’hygiène l’Oréal en cause et celles dégagées par ITM AI sur les achats/ventes de produits estimés comparables vendus par un panel de fournisseurs non cartellisés. Le rapport conclut que les marges arrière dégagées par ITM AI sur les produits L’Oréal ont baissé de 8,1 % entre 2003 et 2004 jusqu’à devenir négatives, tandis que celles dégagées avec le groupe de contrôle n’ont baissé que de 1,6 %.
Le tribunal a débouté ITM AI de sa demande indemnitaire en relevant que :
- sur le droit applicable concernant l’existence de la faute et la démonstration du préjudice,
- l’action liée à des faits d’entente antérieurs au 11 mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’article 481-7 du code de commerce qui transpose la Directive Dommages 2014/104, est soumise au droit commun de la responsabilité et ITM AI doit démontrer tant la faute que le préjudice en lien avec celle-ci, mais l’Oréal ne conteste pas que, selon la jurisprudence actuelle, la Décision définitive de l’Autorité constitue une faute civile au sens de l’article 1240 du code civil, réfutant seulement qu’elle établisse une présomption irréfragable de faute et un lien d’automaticité entre la faute et le préjudice qui doit être démontré,
- sur l’existence du préjudice,
- le taux de marge arrière de 184 % de l’une des entités ITM AI en 2003 pris pour référence par l’expert est manifestement erroné, le montant des produits de coopération commerciale ne pouvant excéder le montant des achats réalisés, cette erreur apparaissant, après analyse, résulter d’une erreur sur le montant du chiffre d’affaires correspondant,
- les calculs effectués par le tribunal à partir de deux hypothèses de montants rectifiés de ce chiffre d’affaires retrouvés par le tribunal dans une des pièces d’ITM AI, établissent une variation, non pas en baisse mais en hausse, du taux moyen global pondéré des marges arrière réalisées par ITM AI sur les produits L’Oréal entre 2003 et 2004 de 1,5 % ou de 4 % (selon l’hypothèse retenue) alors qu’il a baissé de 1,6 % avec le groupe de contrôle alternatif,
- l’exactitude de ces rectifications opérées par le tribunal est vérifiée et confortée, d’une part par l’analyse de l’évolution du taux de marge réalisé dans les autres entités d’ITM AI sur les produits l’Oréal, qui a également augmenté de de 1, 6% et 3 %, et, d’autre part, par les données publiques sur la hausse constante du taux de marge arrière au cours de la période,
- ITM AI ne démontre dès lors pas de préjudice de perte de marges arrière entre 2003 et 2004, ni de préjudice en lien avec les pratiques de l’Oréal.