M. X c / REDTREE CAPITAL FRANCE, REDTREE CAPITAL Ltd RG 2023014142 - jugement du 16 mai 2025 – chambre 1-9
Mots-clés :
DROIT DES SOCIETES / Annulation de décisions sociales / Dirigeants sociaux / Pactes d’associés
Sommaire :
SAS à 50/50 – révocation de dirigeants – convention de vote – divergence entre statuts et pacte d’associés – mandataire ad hoc pour voter à la place d’un associé.
REDTREE CAPITAL LTD (détenue à 100 % par M. Y), ci-après « RCL », et M. X étaient associés à 50/50 au sein de REDTREE CAPITAL FRANCE, ci-après « RCF », SARL jusqu’à sa transformation en SAS en 2019.
Aux termes d’un pacte d’associés entre RCL et M. X, celui-ci s’était engagé à voter comme son associée, notamment sur la gouvernance de la société.
En 2021, M. X était nommé directeur général, non rémunéré, de RCF, mais, à la suite de désaccords entre MM. X et Y, une assemblée générale le révoquait en 2023.
M. X convoquait, à son tour, une assemblée générale quelques jours plus tard, qui révoquait M. Y de son mandat de président et le nommait à sa place, puis il saisissait le tribunal du litige.
- M. X demandait la nullité de la résolution de la première AG, qui l’avait révoqué, et son rétablissement en qualité de directeur général, ainsi que la validation de la seconde, qui avait révoqué M. Y et l’avait nommé en remplacement. A titre subsidiaire, il sollicitait la révocation judiciaire de M. Y.
- Les défendeurs, qui demandaient le rejet des prétentions adverses, sollicitaient également la nomination d’un mandataire ad hoc pour voter à la place de M. X.
Sur la nullité de la résolution de la première AG qui avait révoqué M. X
Le tribunal rappelle que, dans une SAS, « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement… dans les formes et conditions qu’ils prévoient » (article L 227-9 du code de commerce) et relève que les statuts de RCF prévoient que la nomination et la révocation du président et du directeur général se font par décision collective à la majorité simple.
Il relève, par ailleurs, que le pacte d’associés fait obligation aux associés de voter sur ce point selon la proposition de RCL. Il observe que, lors de l’AG, M. X avait voté, avec 50 % des voix, contre sa propre révocation, peu important, pour la validité de la décision, que ce fût en violation du pacte, sur lequel les statuts l’emportent en matière de décision sociale.
Il constate ainsi que la résolution n’avait pas recueilli la majorité, mais seulement 50 % des voix, que c’est donc en violation des statuts que la résolution avait été considérée comme adoptée, et que, sans cette violation, la révocation ne serait pas intervenue. En conséquence, il annule la révocation de M. X, rétablissant celui-ci dans ses fonctions.
Sur la validité de la révocation de M. Y par la seconde AG
Pour la même raison que ci-dessus, la résolution n’ayant recueilli que 50 % des voix (celle de M. X) et non la majorité, le tribunal rejette la demande de validation de la révocation de M. Y.
Sur la demande de révocation judiciaire de M. Y
Le tribunal, vérifiant que la révocation judiciaire a bien été prévue dans les statuts, ce qui est nécessaire pour une SAS, relève que la disposition y figure effectivement : « Le président est révocable par le tribunal de commerce pour cause légitime, à la demande de tout associé ».
Le tribunal rappelle cependant que, par motif légitime d’une révocation, il faut entendre un comportement « de nature à compromettre l’intérêt social ».
Et, constatant que le demandeur échoue à apporter la preuve d’un tel comportement, il rejette la demande.
Sur la désignation d’un mandataire ad hoc
Le tribunal :
- retient que le pacte d’associés rend RCL créancière d’une obligation de faire vis-à-vis de M. X, la convention de vote stipulée n’étant pas invalide, puisqu’elle ne contrarie ni l’intérêt social ni aucune disposition d’ordre public,
- rappelle que le créancier d’une obligation de faire est fondé à en demander l’exécution forcée sauf si elle est impossible ou disproportionnée,
- relève que M. X a violé ses engagements en refusant de se conformer à la consigne de vote sur sa révocation, qui lui avait été rappelée la veille,
- retient que la disposition violée est indispensable au bon fonctionnement de la société en raison de la détention 50/50 du capital,
- Et, constatant que l’exécution forcée ne se heurte à aucune impossibilité ni à aucune disproportion, M. X n’étant pas rémunéré pour cette fonction, le tribunal désigne un mandataire ad hoc pour voter à la place de M. X lors de la prochaine AG qui sera convoquée sur sa révocation.