M. X c/ M. Y et SA Société S RG 2022041833 - jugement du 1er juillet 2025 (1ere chambre)
Mots-clés :
IRRECEVABILITE / Défaut d’intérêt ou de qualité à agir
DROIT DES SOCIETES / Action ut singuli
Points de droit :
Action ut singuli d’un actionnaire de la maison mère d’un groupe contre le président de celle-ci pour fautes dans les filiales.
La SA Société S, dont M. X est actionnaire, a pour président M. Y et comprend en France trois filiales, CAI, PCI et LPB, cette dernière ayant été dissoute le 1er juillet 2019 au profit de sa mère.
En 2017, les 3 filiales se sont vues notifier des propositions de rectifications fiscales à propos de prix de transfert, puis le 5 septembre 2019, une transaction (dénommée « règlement d’ensemble ») a été conclue avec chacune des 3 filiales, pour un montant total de 320 M€. M. X a soutenu que M. Y, en acceptant la transaction, aurait pris par cet accord une décision de gestion illicite en faisant supporter à Société S deux fois l’impôt sur les sociétés, dans ses filiales étrangères et en France, ce qui constituerait une fraude fiscale opérée en surrémunérant les filiales étrangères du groupe par une politique de prix de transfert irrégulière sur le plan fiscal. C’est pourquoi M. X a engagé une action ut singuli en demandant que M. Y soit condamné à rembourser à Société S les 320 M€ de la transaction.
Cette affaire soulève deux questions relatives à la recevabilité de l’action ut singuli au titre des pertes des filiales de Société S :
- Au titre de la qualité à agir
Le tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, l’actionnaire d’une société mère est irrecevable pour défaut de qualité à agir, dans son action ut singuli, à l’encontre du dirigeant de la mère pour des fautes de gestion commises dans ses filiales, dont il n’était pas dirigeant de droit ; en effet, ces dernières jouissant de l’autonomie des personnes morales, M. X ne peut donc se prévaloir d’une éventuelle fraude fiscale commise dans les trois filiales pour engager une action ut singuli contre M. Y., président de Société S, maison mère desdites filiales.
- Au titre de l’intérêt à agir
M. X réplique qu’il fonde également son action ut singuli contre M. Y pour la faute qu’aurait commise ce dernier en acceptant que la transaction soit supportée par la maison mère.
Cependant, le tribunal a constaté que Société S n’avait supporté directement la charge de la transaction que pour LPB et ce en raison de la fusion. Par ailleurs, il écarte l’argument de M. X selon lequel Société S aurait été impactée par une moindre remontée des dividendes des deux autres filiales en raison de l’autonomie des personnes morales comme indiqué ci-dessus.
Société S n’ayant supporté aucun impact financier direct au titre des redressements de CAI et de PCI, M. X, en tant qu’actionnaire de Société S, n’a donc intérêt à agir qu’au titre du seul préjudice résultant de la charge du redressement de LPB.
En conséquence le tribunal dit que M. X n’est recevable dans son action ut singuli contre M. Y que pour ce qui concerne l’éventuel préjudice subi par Société S suite à la transaction conclue en raison du redressement fiscal dont a fait l’objet LPB et qui a été supporté par Société S.