LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

PARFUMS CHRISTIAN DIOR, LVMH FRAGRANCE BRANDS, GUERLAIN c/ M. X, M. Y, ACA FIDUCIAIRE RG 2020014613 – jugement du 11 mars 2025 (chambre 1-1)

Mots-clés :
CONCURRENCE / Concurrence déloyale
DISTRIBUTION ET FRANCHISE / Contrats de distribution
SECRET DES AFFAIRES /Instance au fond

Sommaire :

Réseau de distribution sélective – Action en concurrence déloyale – Communication des contrats de distribution – Protection du secret des affaires

 

 

Les demanderesses fabriquent des parfums de luxe et produits de beauté de notoriété mondiale. DISTRIPARFUM, société américaine dont M. Y était le gérant, faisait commerce de parfums ; elle avait mandaté ACA FIDUCIAIRE, dont M. X est le gérant, pour recevoir et encaisser les règlements de ses clients français.

En juillet 2019, les demanderesses obtenaient une ordonnance du président de ce tribunal, estimant qu’un trouble manifestement illicite leur était causé par la « violation délibérée des réseaux de distribution sélective » dont elles pouvaient se prévaloir ; DISTRIPARFUM et FIDUCIAIRE DISTRIPARFUMS se voyaient interdire de vendre « à destination des personnes ou entités installées en France » tous produits revêtus des marques des demanderesses, d’y diffuser tout contenu faisant référence à ces marques, d’encaisser toute somme provenant de la vente de ces produits, le tout sous astreinte. Puis les défenderesses avaient fait appel, avant d’être dissoutes par leurs associés. L’affaire a été radiée en septembre 2020.

Mais les demanderesses découvrent un site internet où leurs produits seraient illicitement offerts à la vente : DISTRIBEAUTE, dont l’adresse de contact aux Etats-Unis est la même que celle de DISTRIPARFUM, n’est qu’une « société de paille » contrevenant aux dispositions de l’ordonnance précitée pour continuer à vendre illicitement en France les produits des demanderesses.

Celles-ci saisissent alors le tribunal au fond, contre les mêmes sociétés et leurs dirigeants, réitérant leurs demandes d’interdiction en France de toute activité de promotion, commercialisation de leurs produits, diffusion de contenu y faisant référence, le tout sous astreinte, outre des dommages-intérêts. Elles se désistent contre DISTRIBEAUTE et DISTRIPARFUM, en cours de liquidation.

MM. X. et Y. s’opposent à toutes ces demandes ; à la demande de M. Y., le tribunal fait injonction à chaque demanderesse de communiquer aux défendeurs cinq contrats de vente de ses produits à ses distributeurs américains et fixe un calendrier ; les demanderesses refusent cette communication au nom du secret des affaires, mais finissent par l’accepter dans le cadre des articles L. 153-1 et L. 153-2 du code de commerce.

Avant l’audience, les demanderesses font parvenir au tribunal, comme requis par l’article R. 153-3 C. com., la version confidentielle intégrale de ces pièces, une version non confidentielle ou un résumé et un mémoire précisant pour chaque information les motifs lui conférant le caractère de secret des affaires. Le tribunal dit alors recevables les demandes de DIOR, GUERLAIN et LVMH.

Sur la protection du secret des affaires

Selon M. Y., le texte des contrats est connu de tous, ces contrats datent de plus de dix ans, ne portent sur aucune information financière ni savoir-faire, la clause de confidentialité est inexistante ; les défendeurs insistent sur la nécessité pour les demandeurs de justifier du secret pour chaque pièce, ce qui n’est pas fait.

Mais le tribunal relève que les demandeurs, invoquant le secret des affaires, ont respecté l’article R. 153-3 C. com. en remettant au seul juge un mémoire, une version confidentielle et une version non confidentielle des contrats, il ne peut leur être reproché d’avoir transmis aux défendeurs des modèles de contrat vierge. Les demandeurs sollicitent du tribunal l’application stricte des articles R. 153-4 et R. 153-6 C. com.

Selon le tribunal, les informations contenues dans les pièces transmises sont « manifestement non publiques, non aisément accessibles, …suffisamment récentes pour demeurer sensibles et stratégiques d’un point de vue commercial… », les contrats sont conclus avec des distributeurs agréés, nommément désignés, les informations sont actuelles et les contrats toujours en vigueur : leur communication extérieure sans réserve serait préjudiciable tant aux demanderesses qu’à leurs cocontractants.

Le tribunal applique l’article L. 153-1 C. com. et enjoint aux demanderesses de communiquer aux trois défendeurs la version intégrale de cinq contrats pour chacune des marques concernées, mais dit que seuls les défendeurs et leurs conseils pourront y avoir accès, avec interdiction de toute utilisation ou divulgation, l’obligation perdurant à l’issue de la procédure.

 

L’incident de communication étant ainsi tranché, le tribunal renvoie l’affaire pour permettre aux parties de conclure sur le fond.

 

Article L153-1 du Code de commerce (Version en vigueur depuis le 25 mars 2019)

« Lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense :
 
 1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;
 
 2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter ;
 
 3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;
 
 4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires
. »

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