LE CERCLE DES JUGES CONSULAIRES DE PARIS
1 quai de la Corse
75004 Paris
N°TVA :

SAS CHANEL c/ SAS V-P FRANCE RG 2023061654 - jugement du 7 juillet 2025 – chambre 1-13

Mots-clés :
CONCURRENCE / Concurrence déloyale (dont parasitisme)
DISTRIBUTION ET FRANCHISE / Distribution sélective

Points de droit

Conditions de licéité d’une distribution sélective – Etanchéité du réseau – Violation par un tiers non agréé – Evaluation du préjudice subi.

 

 

Ayant acquis la preuve que V-P FRANCE avait, pendant des années, violé son réseau de distribution sélective en acquérant et revendant de façon irrégulière ses produits, CHANEL la poursuit en indemnisation du préjudice subi et aux fins de cessation de ces pratiques.

 

Sur la licéité et l’étanchéité du réseau de distribution sélective

 

  1. La liberté du commerce étant de principe, la distribution sélective est une restriction qui, rappelle le tribunal, exige, pour être licite, la réunion de trois conditions :
    • que la nature du produit justifie cette dérogation,
    • que les critères de sélection soient « objectifs, qualitatifs et fixés de façon uniforme »,
    • que la restriction soit proportionnée à la sauvegarde de la nature du produit.

Le tribunal relève que la marque CHANEL, positionnée sur le segment du luxe, doit légitimement préserver son image de prestige et garantir un service de haute qualité.

A la lecture du contrat de « détaillant agréé », il observe que les conditions imposées par CHANEL répondent à la deuxième condition.

Il constate, enfin, que ces conditions apparaissent proportionnées à l’objectif de protéger l’image de marque de CHANEL.

Le tribunal en conclut que le réseau de distribution sélective de CHANEL est licite.

 

  1. Le tribunal constate, ensuite, que l’étanchéité juridique du réseau (interdiction de vente à des revendeurs hors réseau) est parfaitement assurée par :
    • L’interdiction faite, dans le contrat, au détaillant agréé de céder les produits à un revendeur hors réseau, la violation éventuelle étant sanctionnée par l’exclusion du détaillant,
    • L’interdiction faite au détaillant de toute vente postérieure à la résiliation du contrat,
    • Et enfin par la mention sur chaque emballage CHANEL : « NE PEUT ETRE VENDU QUE PAR LES DEPOSITAIRES AGREES CHANEL ».

 

Sur les fautes de V-P FRANCE

 

  1. Le tribunal rappelle que l’article L 442-2 du code de commerce interdit la participation directe ou indirecte « à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ».

 

Il relève que CHANEL a obtenu une mesure d’instruction au visa de l’article 145 cpc et que les éléments saisis prouvent que V-P FRANCE a acquis auprès de distributeurs agréés français plusieurs centaines de milliers de produits CHANEL pour les revendre.

 

Selon le tribunal, V-P FRANCE ne peut sérieusement soutenir avoir ignoré l’existence du réseau de distribution sélective alors que c’est un professionnel du secteur et que, de surcroît, tous les emballages des produits mentionnent « Ne peut être vendu que par les dépositaires agréés CHANEL ». La faute commise, à ce titre, par V-P FRANCE est donc incontestable.

 

  1. Le tribunal relève, en outre, que V-P FRANCE s’est rendue coupable de concurrence déloyale par :

 

  1. désorganisation du réseau de CHANEL, qui a dû se séparer de plusieurs distributeurs agréés à la suite des agissements de V-P FRANCE,

 

  1. parasitisme, en bénéficiant de la notoriété de l’image de marque et des efforts commerciaux de CHANEL sans en supporter les contraintes.

 

Le tribunal en conclut que V-P FRANCE doit indemniser CHANEL des conséquences de ses fautes.

 

Sur le préjudice

 

Le préjudice financier pour CHANEL, en termes de trouble économique, étant difficile à quantifier, le tribunal fait usage de la possibilité, reconnue en matière de concurrence déloyale, de l’évaluer par l’avantage indu que s’est octroyé V-P FRANCE.

 

Les chiffres fournis et attestés par l’expert-comptable de V-P FRANCE, et non contestés, montrent que la marge brute réalisée par V-P FRANCE sur les produits CHANEL détournés s’est élevée à 5,2 M€. 

 

C’est ce chiffre que le tribunal retient comme évaluation du préjudice financier et qu’il condamne V-P FRANCE à verser à CHANEL en réparation.

 

Le tribunal y ajoute une condamnation à 1 M€ au titre du préjudice moral subi par CHANEL, la banalisation de la distribution par la présence de ses produits dans des circuits non autorisés ayant nui à l’image de luxe, de prestige et de positionnement haut de gamme et altéré la confiance des consommateurs et des distributeurs agréés.

 

Le tribunal interdit également à V-P FRANCE, sous astreinte, d’acheter, de détenir et de vendre des produits CHANEL.

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