SAS CHANEL c/ Société de droit polonais LA MAKEUP RG 2024015130 - ordonnance de référé du 3 mai 2025
Mots-clés :
MESURES D’INSTRUCTION / En référé
COMPETENCE / Référé
DISTRIBUTION ET FRANCHISE / Distribution sélective
Points de droit :
Compétence pour une action sur le fondement de l’article 145 - Vente par un distributeur non agréé de produits réservés à un circuit de distribution sélective.
La SAS Chanel distribue ses produits dans le cadre d’un réseau de distribution sélective par l’intermédiaire exclusivement de distributeurs agréés qui ont interdiction de revendre les produits de sa marque hors réseau à des distributeurs non agréés. Il en est de même pour la distribution par un site internet d’un distributeur agréé. Or Chanel a constaté qu’une société polonaise La MakeUp, ci-après LMU, distribuait en France, par son site internet, ses produits, et ce en ne pouvant ignorer qu’elle se trouvait ainsi dans l’illégalité puisque ses sources d’approvisionnement ne pouvaient qu’être illicites. Pour faire cesser le trouble manifestement illicite imputable à LMU en raison de ses pratiques et en vue de l’indemnisation des préjudices qui lui ont été causés, Chanel a saisi en référé ce tribunal sur le fondement des articles 873 du CPC et L-442-2 et 442-4 du code commerce ainsi que sur le fondement de l’article 145 en vue d’obtenir les factures des achats de LMU afin de connaître le nom du distributeur agréé qui a violé ses engagements.
- Sur la compétence
Le juge constate que le litige oppose Chanel à une société de droit polonais, qu’il s’agit donc d’un litige européen, que les règles de compétence applicables en l’espèce sont celles définies par le Règlement de Bruxelles 1 bis, que le dommage a été subi en France et qu’il est donc compétent pour les demandes présentées au visa de l’article 873 CPC.
Mais, en ce qui concerne les mesures in futurum, sur le fondement de l’article 145 CPC, le tribunal compétent est celui de l’action au fond envisagée à défaut d’être celui dans le ressort duquel les mesures doivent être entreprises, en l’espèce la Pologne. Or, Chanel entend obtenir les factures des achats de ses produits par LMU auprès des distributeurs agréés situés hors de France afin d’être en mesure d’agir à leur encontre en raison de la violation de leurs engagements contractuels.
Le juge se déclare donc incompétent sur l’action au visa de l’article 145 CPC.
- Sur la demande de cessation d’un trouble manifestement illicite
Le juge rappelle que, en vertu l’article L442-2 du code de commerce, LMU aurait commis une faute s’il était démontré qu’elle a acquis des produits de manière illicite, directement ou indirectement, à un distributeur lié par un accord de distribution sélective.
Le juge dit qu’il incombe à Chanel de démontrer, avec l’évidence requise en référé, l’existence du réseau de distribution sélective et sa licéité au regard du droit européen.
Le juge constate que, Chanel ne lui ayant fourni que des extraits de factures, il n’est pas en mesure de vérifier que les critères de l’arrêt Metro (arrêt de la CJCE ayant fixé les critères de licéité d’un réseau de distribution sélective) sont remplis : en particulier, pour s’assurer que l’obligation faite à un distributeur d’atteindre un chiffre d’affaires minimum pour être agréé ne constitue pas un critère quantitatif prohibé par le droit de l’UE, un examen approfondi des contrats de distribution au regard du droit européen et une éventuelle interprétation seraient nécessaires.
Le juge relève que Chanel ne lui a donc pas démontré, avec la certitude requise en référé, la licéité de son réseau au jour où il doit statuer et ajoute que le fait qu’il y ait eu un jugement au fond en 2016 sur la licéité du réseau Chanel à l’époque n’est pas suffisant pour l’établir aujourd’hui.
En conséquence, le juge dit que le trouble illicite, résultant d’une violation du réseau de distribution, n’est pas démontré de manière manifeste et déboute Chanel de ses demandes.